Un film de 3h35 qui est loin de justifier sa durée et ses récompenses. Voilà ce qui peut être dit du dernier film de Brady Corbet : The Brutalist.
Mais rentrons un peu plus dans les détails. Le film raconte l’histoire d’un architecte hongrois (fictif) du nom de Laszlo Toth qui doit fuir l’Europe dans les années 40 à cause de la Shoah. Séparé de sa femme et de sa nièce par la force des évènements, il rejoint son cousin Attila en Pennsylvanie. Ecrasé par la grande machine capitaliste américaine, Toth tente tout de même de s’intégrer par la création d’un grand projet architectural commandé et financé par un riche américain : Harrison Van Buren.
En somme, le film parle de tout mais ne raconte rien. Nous avons le spectre de la Shoah qui se déplace tout au long du film, une critique du capitalisme qui parcourt les interactions des personnages, le traitement des étrangers sur le territoire américain est sans cesse rabâché au point de perdre son sens, et la question des addictions, notamment à l’héroïne - drogue à la mode à cette époque -, permet de ponctuer la misère et les problèmes que rencontre Toth mais ne nous engage pas dans une prise de position prenante sur le problème.
C’est un film qui se veut innovant, voire d’architecte, avec notamment son générique défilant de droite à gauche dans une police d’écriture qui rappelle beaucoup les supports de communication des brochures d’architectures ou de design d’intérieur. Les plans sont beaux, et mettent en avant le style brutaliste auquel appartient Toth. De même, le tournage en VistaVision ajoute à ce critère comme une ligne directrice sur le style de l’image. Mais malheureusement, tous ces efforts ne vont pas assez loin, malgré cette grande prouesse louée par tous de pouvoir boucler un film de cette ampleur avec un budget de 10 millions de dollars.
Nous pouvons facilement dire que le film passe à travers son sujet. D’ailleurs de quel sujet doit-on parler ? Qu’est-ce qu’on doit retenir ? N’était-ce qu’une question d’image ? Si c’est le cas alors le défi est réussi car en effet des images nous restent en tête et apparaissent comme des flashs quand on nous parle de The Brutalist. Mais c’est un FILM, qu’on veut voir ! Un film c’est un ensemble d’images qui défilent pour créer un mouvement, auquel on ajoute du son. Et c’est dans la tradition (je dirais même dans la nature) du cinéma de vouloir raconter une histoire aussi courte ou longue soit elle. Or ici, l’histoire on la loupe. Et l’épilogue, plutôt que cette belle révélation à la fin sur les intentions de l’architecte dans son œuvre, nous met face à un mur. C’est une charge lourde qui s’abat sur nous car nous aurions pu apprécier cette signification plus tôt, l’embrasser, l’entourer de notre sympathie. Au lieu de cela, nous avons eu 3h d’images et de paroles vides de sens et d’intérêt.
Donc, en tant que cinéphile je n’ai pas peur de dire que ce film est une torture, car peu importe ses procédés ou sa grandeur d’âme que beaucoup voudront lui prêter, ce que j’ai vu n’est pas du cinéma. Et si on s’amuse à dire qu’on ne comprend pas pourquoi le cinéma d’auteur est en train de mourir, je répondrai que c’est ce film en particulier qui participe à son agonie.